Toilettes sèches : la réglementation tire la chasse
Face aux agents venus contrôler la conformité du nouveau réseau d’assainissement¹, j’avais l’étrange impression d’être d’un extra-terrestre. Elles sont où vos toilettes ? Là, elles sont sèches. Ah… Au dire d’une connaissance du service Eau et assainissement de l’agglomération, nous serions deux ménages — officiellement — à utiliser des toilettes sèches et à composter la litière sur place². Naïvement j’imaginais le système déjà un peu plus développé et les administrations plus au fait des réglementations spécifiques. Mais non, les agents hésitants me transmettent une réglementation certes officielle mais peu adaptée : le composteur doit être sous abri et formé d’une cuve étanche… Impossible alors de mettre fèces contre terre. Ou comment empêcher les G.O. [Gentils Organismes] d’animer la vie des déchets organiques qui fréquentent le club « Médite tes années »³… Y’a déjà la télé pour ça, non ? Bon, l’objectif étant de faire composter aussi bien mon billet que mes déchets, je me suis déguisé en facteur pour présenter un instrument avec une enveloppe étanche. L’imposture est passée comme une lettre à la poste.
La palette se recycle en variété
Avec toutes les fournitures achetées pour le chantier, les palettes commençaient à s’entasser, élevant des tours de bois dans le jardin. Inès commençait à s’en lasser, élevant des tours de bras dès le matin. Alors au bout d’un moment, je les ai passée au fil de l’épée, ou plutôt aux dents de la scie-sabre, pour en récupérer le bois. Outre les composteurs, j’ai bricolé une cabanenfant. Un nouveau jouet, ça fait une bonne raison de les envoyer dehors. Il faut bien profiter du sacrivilège d’avoir un vasterritoire où ces derniers peuvent décourir dehors, criescalader l’espace, bricreuser la terre… et où les parents peuvent bannir momentalement des contrarianfants…
Ô minéral, en terrasse
En attendant les extensions, la terrasse réemploie les dalles gravillonnées de l’ancienne allée principale du jardin ainsi que les plardoises des allées secondaires. Pas besoin de console pour jouer à Tétris, avec les ardoises comme avec les mots ! Imbrication finalement jointoyée à la chaux : les pieds de chaise s’enfonçaient dans les premiers joints terre-sable et les invités dans leur assiette…
Il ne s’agit pas non plus qu’ils tombent dans les pommes, à terre. Aussi pas question de se priver de la vigne en surplomb, filtrant le soleil jours et sans-gêne qui frappe aux carreaux à longueur d’été. La pergola abrisoleil en vieilles cornièrouillées a été remplacée par des filinox tressés, accrochés sur les mêmes grands poteaux de schiste — dont j’ai dû sceller les pieds pour assurer la supportension.
Potager carrément nouveau
Le temps des plantations s’avançait et avril offrait un soleil resplendissant aux jardiniers en herbe. Le projet de carrés potagers mûrissait depuis longtemps déjà, passer à l’action était donc une agréable et utile façon de ranger des matériaux de fabrication qui encombraient le jardin : des plaques de schiste, encore ; et du bois. Je venais de découvrir dans La Maison Écologique la technique du bois brûlé (shou-sugi-ban en japonais)4.
[L’intérêt, hormis l’esthétisme, est de rendre le bois résistant aux intempéries, insectes et champignons. Deux méthodes testées : à la lance-brûleur et sur charbon ardents. La première donne un aspect régulier mais consomme trop de gaz à mon goût, surtout si l’on veut brûler un peu en profondeur pour assurer l’efficacité du traitement. La seconde est plus rapide mais aussi plus délicate et dégage beaucoup de fumées. Je testerai peut-être plus tard la méthode « cheminée », mais à la campagne — lors des premiers essais j’avais peur qu’arrivent les pompiers.]
Pourquoi des carrés potagers ? Des surfaces à la fois modestes et optimisées ; une bonne accessibilité pour semer, surveiller, entretenir et cueillir ; et puis pour paysager le jardin : varier les hauteurs, créer des perspectives5… Le sable était sur place ; un plein camion de compost (le nôtre n’est pas encore mûr) et deux de terre plus tard, et voilà le nouveau jardinet prêt à nourrir notre vue et nos estomacs, grâce à la culture générale et attentive d’Inès. Quand je serai grand, je ne me contenterai plus de la forme et du désherbage, moi aussi je cultiverai.
¹ Cf. Festival estival et Fragrant débit et domicide involontaire.
² Pour la réglementation, voir l’arrêté du 7 sept. 2009 (art. 17) et l’arrêté du 27 avril 2012 (annexe III). Sur l’assainissement écologique en France et dans le monde, visitez notamment les sites Eautarcie et Toilettes du monde. Comment utiliser et composter des toilettes sèches à litière : consultez la plaquette de ces derniers, réalisée en partenariat (entre autres) avec l’ADEME.
³ Vous plaignez pas, vous avez échappé à : Mes dix vers annelés ; Méditez-Ramez ; Mes dix thés ramenés ; Mes dix terres à moé ; Mais dis, t’es rasé ?…
4 La Maison Écologique n°86, avril-mai 2015. Pour découvrir la technique et quelques réalisations, voir les vidéos ici (en anglais) et sur ce site (en japonais, pour changer).
5 Pour en savoir plus sur le jardinage en carrés : http://www.potagerencarres.info/